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Une bière avec Richard Preiss

Une bière avec Richard Preiss

Nous avons eu l’occasion de boire une bière avec Richard Preiss, cofondateur d’Escarpment Labs et le scientifique derrière LalBrew Pomona™. Nous en avons profité pour lui demander ce qu’il pensait de tout ce qui touche à la biotransformation et des nouvelles tendances de l’industrie brassicole.

L’intérêt sur la biotransformation a commencé avec les terpènes, puis tout le monde s’est tourné vers les thiols. Quel est le prochain sujet autour de la biotransformation ?

C’est peut-être une volonté personnelle, mais je pense que les prochains débats seront sur la précision et l’équilibre plutôt que la maximisation de la production d’un composé aromatique. À ce stade, la science a compris comment pousser les thiols et les terpènes à l’extrême dans la bière. Maintenant, je pense que le jeu pour le brasseur consiste à trouver le bon équilibre pour obtenir des profils d’arômes ciblés tels que la pêche, le fruit de la passion, l’ananas, etc. Ou de créer des profils aromatiques entièrement nouveaux grâce à la biotransformation des levures.

Il se peut également que l’on parle davantage des lactones, une catégorie de composés aromatiques présents dans la bière qui n’a pas encore fait l’objet d’une grande
attention.

Qu’est-ce que les lactones et pourquoi les brasseurs devraient-ils s’en préoccuper ?

Les lactones sont des composés aromatiques, produits et modifiés en tant que sous-produits de la fermentation. Ils peuvent provenir du malt, mais aussi du houblon. À elles seules, elles peuvent se présenter sous la forme de notes laitières ou de noix de coco. Cependant, les lactones sont synergiques avec d’autres composés aromatiques et lorsqu’ils se combinent avec des esters et des terpènes, ils peuvent présenter des profils aromatiques plus complexes tels que les fruits à noyaux (pêche, abricot).

Nous n’en sommes qu’au début de la compréhension de la manière dont les différentes souches de levure produisent des lactones dans la bière, mais les premières données suggèrent qu’il existe des différences entre les souches qui pourraient pousser une levure à produire une bière avec plus de pêche qu’une autre.

Qu’est-ce-que tu recommenderais à un brasseur qui souhaite améliorer la biotransformation sur une recette ?

N’ignorez pas votre houblon au Whirlpool ! Je vois beaucoup de recettes d’IPA modernes avec un minuscule ajout de Whirlpool et un énorme houblonnage à cru. Même si vous houblonnez à cru en milieu de fermentation, vous laissez beaucoup de potentiel de biotransformation en oubliant d’insister sur un Whirlpool plus généreux. L’ajout de houblon à la fin de l’ébullition ou du Whirlpool aidera à solubiliser un grand nombre de composés précurseurs que la levure peut biotransformer, comme les thiols liés, les esters, les terpènes et les lactones.

Tout houblon à forte teneur en géraniol, par exemple le Centennial, peut potentiellement se présenter comme plus citronné lorsqu’il est biotransformé. Les houblons perçus comme ressemblant à la noix de coco, comme le Sabro, peuvent gagner en complexité et faire évoluer le profil vers les fruits à noyaux et l’ananas. Les houblons ayant un niveau élevé de « dankness » (ndrl. Odeur de cave humide), par exemple le Columbus, peuvent devenir plus fruités.

Même si vous houblonnez à cru en milieu de fermentation, vous laissez beaucoup de potentiel de biotransformation en oubliant d’insister sur un Whirlpool plus généreux.

LalBrew Pomona™ a été produite par une combinaison d’hybridation de levures et d’évolution adaptative en laboratoire. Comment chacune de ces méthodes a-t-elle permis de sélectionner les caractéristiques spécifiques de la souche LalBrew Pomona™ ?

Avec LalBrew Pomona™, nous avons délibérément cherché à créer une nouvelle levure pour les IPA ou les bières à forte teneur en houblon. L’objectif était donc de développer une levure avec une fermentation efficace, une compatibilité avec les Hazy IPA modernes et un profil aromatique unique pour aider les brasseurs à créer de nouvelles bières.

Nous avons d’abord fait de la sélection de levures pour combiner deux souches que nous aimions. Il y avait un parent robuste et un parent aromatique. Nous avons procédé à une sélection de levures pour générer des hybrides de ces deux souches et avons trouvé quelques hybrides qui nous plaisaient lors du criblage. Malheureusement, ces souches n’étaient pas à la hauteur en termes de stabilité du trouble et d’efficacité de la fermentation.

Cela nous a amenés à poursuivre la sélection par une évolution adaptative en laboratoire, que l’on peut considérer comme un entraînement sportif de haut niveau pour les microorganismes. Les hybrides ont été contraints de se développer dans un moût d’IPA trouble et de le fermenter pendant plus de 45 générations. Ce processus permet de sélectionner des mutations aléatoires qui confèrent aux levures un avantage sur le plan de la condition physique – un darwinisme miniature en quelque sorte. À la fin du processus, nous avons passé au crible les levures candidates qui ont tenu jusqu’au bout, et c’est comme ça que nous avons choisi LalBrew Pomona™.

Si un brasseur utilise LalBrew Pomona™ pour la première fois, quels sont les paramètres clés qu’il doit prendre en compte lors de l’utilisation de cette souche ? Des houblons spécifiques ? Les temps d’ajout ?

J’aime bien considérer LalBrew Pomona™ comme un couteau suisse pour les bières houblonnées. Cette souche peut produire des arômes très différents. Cela étant dit, nous avons vu de meilleures combinaisons que d’autres basées sur des bières que nos clients et nous avons brassées :

  • LalBrew Pomona™ + Simcoe, HBC1019, Vista = Pêche
  • LalBrew Pomona™ + Citra, Strata, Cashmere = Ananas
  • LalBrew Pomona™ + Nectaron, Nelson Sauvin, Rakau = Fruits tropicaux et vins complexes

Vous pouvez également expérimenter avec d’autres styles et d’autres ingrédients qui ont un potentiel de biotransformation. Par exemple, les graines de coriandre peuvent produire des arômes de citron-citron vert étonnamment puissants lorsqu’elles sont biotransformées par une levure comme LalBrew Pomona™.

Selon toi, quelles sont les tendances brassicoles des années à venir?

Personnellement, j’aimerais voir le marché des bières sans alcool se développer. Les bières sans alcool sont difficiles à produire et sont souvent synonymes de compromis en termes de goût. Je pense que de nombreux consommateurs (moi y compris) aimeraient un plus grand nombre de bières entre 2 et 4 % d’alcool si les brasseurs s’efforçaient de leur donner un bon goût. Aussi, la plupart des bières ultra-session ont besoin d’être améliorées, surtout sur leur goût et leur corps.

Quel est votre super pouvoir secret ?

J’adore faire du pain. Après plus d’une centaine d’essais, je suis sur le point de perfectionner une recette de focaccia. Oui, même mon hobby implique de la levure.

Plus sur Richard Preiss

Richard Preiss, cofondateur d’Escarpment Laboratories, est un scientifique actif dans l’industrie brassicole et un brassam* de longue date. Chez Escarpment, Richard se concentre sur le développement de nouveaux produits se basant sur la recherche. Il adore également aider son équipe et les brasseurs avec lesquels il travaille à résoudre des problèmes, à relever des défis et à gagner en efficacité.

*Brasseur Amateur

Publié Dec 20, 2024 | Mis à jour Feb 6, 2025

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